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Le chanvre, un ancien compagnon qui renaît

Il y a quelques années, alors que je traversais la campagne normande, mon regard s’est arrêté sur un champ peu commun. Des tiges hautes, élancées, aux feuilles fines et dentelées dansaient au vent d’automne. Ce n’était pas du maïs, ni du blé, ni même de la luzerne. C’était du chanvre. À cette époque, cette culture suscitait encore étonnement et questions. Aujourd’hui, elle s’impose peu à peu comme l’une des plus prometteuses sur nos sols français.

Longtemps mise de côté, souvent à tort associée à des usages controversés, cette plante millénaire retrouve sa place dans nos campagnes. En France, le chanvre vit actuellement un véritable renouveau. Une renaissance agronomique, économique, mais aussi symbolique : celle d’un retour à des pratiques durables, à des matériaux nobles, et à une vision plus respectueuse de la terre.

Une filière en pleine floraison

La culture du chanvre en France n’est pas née d’hier. Bien avant l’arrivée massive du coton, nos ancêtres tissaient déjà cette plante robuste pour en faire des voiles, des cordages ou des vêtements. En 1850, la France produisait près de 200 000 hectares de chanvre ! Un chiffre impressionnant quand on sait qu’à l’aube des années 1960, cette surface était tombée à moins de 700 hectares…

Mais depuis une dizaine d’années, cette tendance s’est inversée. La filière connaît une expansion remarquable, portée par une demande en forte croissance dans de nombreux secteurs : construction écologique, textile durable, alimentation, cosmétique, et même automobile. En 2022, selon l’Interprofession du Chanvre (InterChanvre), la France comptait environ 20 000 hectares consacrés à cette plante, faisant de notre pays le leader européen en la matière.

Qu’est-ce qui explique ce regain d’intérêt pour le chanvre ?

D’abord, c’est une plante rustique, qui pousse vite (environ 4 mètres en 100 jours), ne requiert ni pesticides ni engrais chimiques, et améliore la structure des sols. Elle capte le CO2 en grande quantité, ce qui en fait un allié précieux dans la lutte contre le changement climatique. À l’heure où l’agriculture cherche des alternatives résilientes, le chanvre coche efficacement toutes les cases.

Mais ce n’est pas tout. Ce qui fait la richesse du chanvre, c’est sa polyvalence exceptionnelle :

  • Sa fibre : utilisée traditionnellement dans le textile, elle revient aujourd’hui dans la mode éco-responsable, ou dans les matériaux d’isolation pour le bâtiment.
  • Sa chènevotte : la partie ligneuse de la tige, idéale pour isoler, alléger des bétons, ou servir de litière pour les animaux.
  • Sa graine (le chènevis) : petit trésor nutritif, riche en oméga-3 et protéines végétales.
  • Ses feuilles et ses fleurs : riches en cannabinoïdes non psychotropes, comme le célèbre CBD, qui connaît un succès croissant dans le domaine du bien-être.

L’agriculteur face au chanvre : un nouveau regard

J’ai rencontré récemment Jean-Pierre, agriculteur dans le Lot-et-Garonne. Autrefois producteur de maïs, il a décidé de se lancer dans la culture du chanvre il y a quatre ans. “Au début, je l’ai fait un peu par curiosité. Aujourd’hui, c’est devenu un pilier de la diversification de mon exploitation”, m’a-t-il confié avec un sourire franc. Moins de charges, une plante qui repousse les mauvaises herbes naturellement, et des débouchés locaux pour la fibre… Jean-Pierre n’est pas un cas isolé.

De plus en plus d’agriculteurs font ce pari. Et ils ne sont pas seuls. Des coopératives spécialisées accompagnent cet élan, fournissant les semences certifiées (indispensables pour respecter la réglementation européenne) et des débouchés commerciaux à la clé. La dynamique est là, encore fragile bien sûr, mais ancrée dans quelque chose de profond. Comme un retour à une forme d’agriculture plus cohérente, plus circulaire, plus enracinée dans le vivant.

Une chaîne de transformation qui se structure

Pour que cette filière perdure et se développe sainement, elle ne peut reposer uniquement sur la culture. C’est toute la chaîne – de la semence à la transformation – qui doit être repensée. Et là encore, la France innove.

La coopérative La Chanvrière, en Champagne, figure parmi les plus grandes structures européennes de transformation. Elle offre une vitrine de ce que peut être une filière vertueuse : culture locale, transformation sur place, valorisation intégrale de la plante, circuits courts. De la graine au matériau de construction, tout est pensé pour limiter l’empreinte carbone et garantir la qualité des produits.

D’autres structures émergent un peu partout, en Bretagne, en Occitanie, dans le Sud-Ouest, redonnant vie à des territoires parfois oubliés. Certaines start-ups françaises se jettent même dans l’aventure de la fabrication de plastique biosourcé à partir de chanvre. L’innovation est en marche, et elle est française.

Un cadre réglementaire encore en transition

La culture du chanvre en France est strictement encadrée. Seules les variétés contenant moins de 0,3 % de THC (le composé psychotrope du cannabis) sont autorisées. Les agriculteurs doivent utiliser des semences certifiées par l’Union européenne et déclarer leurs cultures auprès de la préfecture.

Sur le plan du bien-être, notamment autour du CBD, les avancées sont récentes mais encourageantes. Depuis 2022, la France autorise la culture et la transformation des fleurs de chanvre sous certaines conditions. C’est un pas important vers la reconnaissance de cette plante dans tous ses usages, et un signal positif pour l’avenir de centaines d’entreprises artisanales et locales investies dans le secteur.

Et demain ? Un champ des possibles

Dans un monde en quête de sens, de sobriété, mais aussi d’innovation, le chanvre semble offrir une réponse naturelle et dense en promesses. Il ne prétend pas tout résoudre, bien sûr. Mais il trace une voie différente, où l’agriculture retrouve sa fonction nourricière, curative et constructive.

Imaginez un monde où nos maisons seraient isolées avec des fibres de chanvre locales, où notre alimentation quotidienne inclurait plus de protéines végétales issues du chènevis, où nos vêtements seraient fabriqués sans tordre la nature mais en l’épousant… Ce monde-là est peut-être plus proche qu’on ne le croit.

Si la culture du chanvre en France est encore jeune dans sa forme moderne, elle s’enracine chaque jour un peu plus dans nos terres et nos esprits. Elle attire des jeunes agriculteurs, des scientifiques, des artisans, des rêveurs. Mais ce sont aussi des consommateurs comme vous et moi qui donnent de la force à ce mouvement, en choisissant chaque jour des produits plus éthiques, plus sains, plus locaux.

Quelques conseils pour soutenir la filière à votre échelle

  • Privilégiez les produits à base de chanvre cultivé et transformé en France, que ce soit pour l’alimentation, les cosmétiques ou les matériaux.
  • Renseignez-vous sur les producteurs locaux. Beaucoup ouvrent leurs portes ou participent à des marchés bio, propices aux échanges et aux découvertes.
  • Soutenez les marques transparentes et engagées, qui valorisent l’ensemble de la plante dans une optique circulaire.
  • Pourquoi ne pas essayer de cultiver quelques pieds de chanvre textile pour usage personnel (là où la loi le permet) ? Une manière ludique de renouer avec une plante ancestrale…

Le chanvre est un symbole à part entière. Symbole de résilience, de renouvellement, et peut-être aussi de réconciliation entre nature et technologie, passé et futur. À mesure que cette filière agricole s’étend, elle tisse un lien nouveau entre les hommes et leur environnement. Et ce lien, je le crois, est porteur d’espoir.

Alors la prochaine fois que vous croiserez un champ de chanvre, n’y voyez pas une simple curiosité végétale. Voyez-y les prémices d’une révolution verte bien réelle… portée par une plante, longtemps mal aimée, désormais réhabilitée.

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